De l\'exclusion

De l\'exclusion

Laïcité, athéisme ou pensée unique...

Laïcité, athéisme ou pensée unique...


«  Article 18
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites. »
O.N.U-DUDH 1948



Intéressons-nous un instant à ce débat. N'y aurait-il pas face la grande confusion dans laquelle on nous plonge à ce propos une énorme manipulation de l'opinion de masse?

De quoi s'agit-il? Quels arrières plans moralisateurs pourrait avoir ce débat? Vers quoi essaye-t-on de nous entrainer? Et que pourrait-il révéler de notre propre structure mentale, de nos propres peurs?

Le sujet est extrêmement sensible, car au cœur du débat il y a toutes les questions qui tournent autour de nos croyances. Attention, il ne s'agit pas de nier ici les contraintes que subissent certaines personnes. Ces contraintes sont autant de violences contre lesquelles il faut agir. Mais pour autant, doit-on dans le cadre de cette intervention en générer d'autres qui sont toutes aussi violentes, même si elles sont parées de nos bonnes intentions?

Est ce que le postulat actuel de la laïcité ne tiendrait pas sur une erreur qui serait que la croyance ou plutôt les croyances sont affaires d'individu, ainsi que sur une certaine théorie de l'égalité des humains (Hommes).

Si comme nous l'avons vu, nous sommes essentiellement produit de notre environnement social, nos croyances sont aussi affaires collectives et sociétales. L'image que nous avons d'autrui, mais aussi de l'étranger repose sur cet état de fait.

Nous nous faisons des idées sur l'égalité et l'inégalité, sur le juste et l'injuste, le vrai et le faux, à partir de la société dans laquelle nous avons grandi, dans laquelle nous avons appris. Ces idées ne sont certes pas immuables, elles peuvent suivre une évolution, des transformations en fonction des rencontres, des lectures ou des observations que nous faisons et qui altèrent toujours l'état premier de celles-ci, soit en les renforçant, en les rigidifiant, soit en les élargissant, en les assouplissant. Parfois, ces idées en se révélant erronées perdent leur fonction structurante, leur influence sociale et se trouvent qualifiées d'inculture, de superstition, voir d'arriérisme.

Est-ce que le simple fait d'affirmer que Dieu n'existe pas, qu'il est une invention humaine, l'invention d'une catégorie sociale qui aspire à dominer et parasiter le reste des êtres humains suffit à démontrer qu'il n'existe pas?

Est-ce que cette négation d'un principe, d'une puissance dont nous ne pourrions pas avoir le contrôle, à laquelle nous devrions nous soumettre, à laquelle nous serions subordonnés, annule en nous le besoin de croire?

Par ailleurs l'athéisme n'est-il pas lui même une croyance, puisque si personne ne peut faire la démonstration matérielle de l'existence de Dieu, à contrario personne ne peut faire la démonstration de son inexistence? En fait tout est question de point de vue...

Les idées que nous avons sur la laïcité aujourd'hui, sont-elle les mêmes que celles qui avaient cours lors de la naissance de la République au 18em siècle, ou les mêmes que celles qui ont été pensées dans l'article 18 de la déclaration des droits de l'homme rédigée en 1948, cité en introduction de ce chapitre?

Manifestement non, quelques choses qui ont changé. Alors, qu'est-ce qui a changé et comment cela a-t-il changé? Ne s'est-il pas opéré une métamorphose et les religions d'aujourd'hui n'ont elles pas pour nom individualisme, démocratie, république, progrès, techno-sciences, économie, etc?

Déjà, la génération politique au pouvoir est différente de celle qui a rédigé cette déclaration. On peut aussi dire que cette observation vaut pour l'ensemble de la population. L'environnement social et économique est très différent, tout comme les relations entre les différentes cultures, les différentes organisations sociales.

Ainsi la famille s'est aujourd'hui « atomisé», peut-être bien en tant que conséquence d'une recomposition de notre rapport à la liberté. Combien de familles mono-parentales ou recomposées? La multiplication des maisons de retraites, foyers et autres lieux qui hébergent nos ainés, parce qu'on est trop absorbés à nous vendre pour satisfaire nos divers appétits personnels ne témoigne-t-elle pas de cette réalité?

Un certain égalitarisme a remis en cause le patriarcat et l'autorité des ainés, et dans le même temps l'intérêt collectif s'est subordonné à la satisfaction des matérialismes individuels.

Nos exigences, nos attentes, nos priorités, notre rapport à la vie n'est plus exactement le même. Notre rapport à la mort aussi. Paradoxalement aujourd'hui, la mort naturelle et paisible se doit d'être discrète.

Seule l'effrayante mort -celle causé par nos guerres, nos techniques et organisations défaillantes, les épidémies ou catastrophes naturelles...- est mise en scène, provoquant en cela une stupéfaction autorisant le maintien du contrôle social et de ses croyances.

La mort naturelle, elle, n'a plus lieu que rarement dans nos habitats, elle est cachée dans nos hôpitaux et hospices de vieux. Tous comme la vieillesse, elle est presque devenue une sorte de maladie que nous devons tenir loin de nous, aussi longtemps que possible.

La vie humaine, désacralisée par l'annonce de la mort de Dieu et re-sacralisée dans la technique se doit d'être poursuivie jusqu'à l'ultime déchéance. Et nul n'a le droit de faire le choix de s'en soustraire volontairement, même pour recouvrer sa propre dignité. Nul n'a le droit d'énoncer ou de définir ce qu'est sa propre dignité. Dommage, car si cela était compris, peut-être n'aurions-nous probablement pas tant de kamikazes, tant de suicides ou de morts par perte du sens du vivre ensemble...

Si la religion, dont l'étymologie première vient du latin religare signifiant relier, repose sur ce qui relie, alors c'est le fondement même de la constitution de tous les groupes sociaux, de toutes les communautés qui composent la société, c'est à dire les croyances, opinions, convictions partagées qui sont autant de liens qui relient les individus entre eux, qui est religion.

En fait derrière la question de la laïcité, nous trouvons l'épineuse question du prosélytisme de chacun, et en premier celui d'un modèle social qui n'admet aucune concurrence. Un modèle qui, du fait de son incapacité à tenir ces promesses, se sent en danger. Un modèle qui voit ses parts de marché doucement grignotées par d'autres modèles qu'il regarde comme concurrents. Dans la foulée, puisqu'on est détenteur du pouvoir et de l'autorité, on s'autorise tous les amalgames. On mélange laïcité, athéïsme, lutte contre l'oppression, nationalisme, tous les vieux poncifs de la ségrégation et de la peur de l'autre pour imposer une règle de conduite.

Les différentes interdictions, dans les espaces publics (du Hidjâb ou Khimâr, du Djalâbîb ou grand voile qui n'inclut pas obligatoirement le visage, n'auraient-elles pas ainsi pour objectif de préserver le modèle dit dominant de la contamination?

Au nom de la laïcité et du droit de la femme, doit-on interdire la tenue vestimentaire des juifs orthodoxes, des hindouistes de tous courants, la soutane des prêtres catholiques intégristes, des gothiques lucifériens ou satanistes, etc, puisque toutes ces tenues peuvent être aussi vues comme témoignant de façon formelle d'une appartenance à un groupe religieux?

Cela contribuera-t-il à l'application de l'article 18, cité en introduction de ce chapitre?

De plus, cette question ne regarde-t-elle pas en premier les pratiquants de l'islam?

S'il y a interprétation excessive du Coran de la part de certains, n'est-ce pas à ceux qui s'instituent les représentants officiels (le Conseil Français du Culte Musulman) de déclarer le schisme et de rappeler le contexte d'application coranique?

Allah, dans le Coran, après avoir ordonné aux hommes de garder le regard baissé, demande au Prophète (sallâllâhou alayhi wa sallam) de s'adresser aux croyantes en ces termes: "Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu'elles rabattent leur voile sur leurs poitrines; et qu'elles ne montrent leurs atours qu'à leurs maris, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou aux femmes musulmanes, ou aux esclaves qu'elles possèdent, ou aux domestiques mâles impuissants, ou aux garçons impubères qui ignorent tout des parties cachées des femmes..."

Comment sommes nous passé d'un discours de la tolérance à celui de l'intolérance?

Au fait, combien de femmes sont concernées par cette question? Le rapport parlementaire dit « sur la burqua » semble les évaluer à environ 2000. Ce qui est pour le coup véritablement marginal.

Si on lit la littérature de la culture musulmane, nous voyons bien, qu'au delà d'une injonction divine, il s'agit de traiter une question de pudeur et de morale sociale. Il s'agit de prémunir -hommes et femmes- de tentations charnelles ou de pulsions irraisonnées pouvant conduire à l'irrespect de la divinité incluse en l'homme par le souffle divin. N'oublions pas que pour le croyant, l'homme n'est vivant que parce qu'il abrite en lui une part d'énergie dont la source est attribué au divin. Et puis, replaçons-nous dans le contexte de l'époque, dans les us et coutumes d'alors.

Mais de cela le monde occidental, qui a d'autres points de vue sur la question, n'en a cure et s'autorise à douter de la bonne foi des exégètes qui n'abonderaient pas dans son sens. Ceux-ci ne peuvent être que d'immondes machistes phallocrates...

A bien y regarder, ne pourrions nous pas voir aujourd'hui les mêmes travers comportementaux. Dans notre propre monde libéré, que pouvons-nous observer? Le comportement humain a des constantes, que notre éducation moderne et progressiste peine à corriger.

Si nous parlons des contraintes des femmes, ne doit-on pas aussi regarder chez nous, dans notre société et particulièrement du coté du monde du travail? Combien d'entre elles sont contraintes de se contenter, à fonctions égales, d'un salaire inférieur. Combien ont des contraintes vestimentaires ou comportementales directement ou indirectement liées au fait qu'elles sont vues en premier lieu en tant que femme et non en tant qu'être humain? Combien doivent subir la concupiscence du prédateur, combien pour accéder aux responsabilités doivent faire œuvre de séduction...

Comment était cataloguée il n'y a pas si longtemps une femme en pantalon? N'y a-t-il pas encore dans certains milieux bourgeois ou « aristocratiques » occidentaux l'idée qu'une femme convenable s'habille en robe, élève les enfants et ne travaille pas?

Il est aussi avancé que le voile intégrale, celui qui couvre le visage, pourrait autoriser des usurpations d'identité... N'est-ce pas déjà préjuger de la duplicité de l'autre et de son intention de nuire? Ainsi, l'étranger ne pourrait donc entrer que dans deux catégories:

  • le bon : celui qui se laisse exploiter, celui qui nous est utile, celui qui se convertit à toutes nos règles, à nos croyances, etc ...


  • le mauvais: celui qui ne vient ici que pour nous exploiter, pour nous voler notre richesse, et qui de surcroit revendique le droit de conserver ses coutumes et ses rites.

Qu'importe que nous soyons, par nos promesses d'être une terre de liberté, de justice, de prospérité, de paix et de respect des droits de l'homme, un lieu d'asile évident pour celui cherche une vie meilleure.

Qu'importe que les causes des guerres qui sévissent sur son territoire trouvent une part de leurs sources dans notre organisation économique.

Qu'importe les raisons qui l'amènent à quitter sa terre natale et ses racines.

Qu'importe les articles de la DUDH de 1948, l'adhésion à la charte des Nations Unis et le fait qu'on soit membre permanent du conseil de sécurité.

Si le problème étaient véritablement une question d'usurpation d'identité, les empreintes digitales pouvant être détruites par brulures ou autres moyens, n'avons-nous pas une technologie qui permet l'identification numérique par l'iris, ou encore par code génétique?

Là, pour le coup, le risque d'usurpation serait certainement définitivement éradiquée. Alors, pourquoi ne l'exploitons-nous pas?

Il est sur que cela représente un coût économique, et que le prétexte religieux permet à moindre frais de réunifier la communauté qui a le plus à perdre matériellement et idéologiquement...

Cela ouvrirait peut-être aussi un peu plus une boite de Pandore, déjà ouverte, d'où sortiraient de vieux phantasmes d'eugénismes rappelant de sombres souvenirs... Et dont les tentations reviennent de façon récurrente et sous-jacentes, malgré les garde-fous éthiques et moraux que l'on s'efforce de dresser.

Même si cela tend à s'amenuiser, il y a fort heureusement quelques vigilances et consciences qui s'expriment et qui parviennent à contenir la généralisation de la vieille aspiration à la perfection génétique.

De plus, le visage vue ne constitue pas l'entière identité.

Comment font les aveugles pour reconnaitre une personne? Ils ne voient pas les visages. Par contre ils peuvent vous expliquer que la voix, avec son timbre, sa tessiture, est unique et propre à chaque être humain. Et c'est sans parler des mouvements du corps et autres effluves qui émanent de nous...

Une question se pose : si les droits de l'être humain via la déclaration universelle des droits de l'homme étaient véritablement appliqués dans notre propre société, si les lois votées par les parlements – les castes politiques - allaient concrètement dans ce sens, aurait-on besoin d'écrire les droits de la femme, les droits de l'enfant, les droits de minorités, etc?

Verrions-nous la pauvreté augmentée, les questions de santé, de faim et de logements, de partage des ressources naturelles liées à des sombres intérêts économiques dans nos propres territoires?

Dernière question : Comment peut-on comprendre que cet État laïc subventionne avec les deniers publics des écoles religieuses?

Aujourd'hui, une pensée unique, pour ne pas dire une unique pensée, tente de s'imposer. Pour elle, toute velléité d'une réelle autonomie se doit d'être condamnée et combattue.

Fort heureusement il y a encore quelques poches de résistance. Mais, elles ne sont pas là où on serait bien souvent en droit de les attendre, et ne sommes-nous pas autorisé à penser que le laïcisme actuellement n'est pas autre chose qu'une manière d'exclusion, de ségrégation supplémentaire. Qu'il n'est pas une manière de résistance à l'hégémonie du dualisme et de la pensée unique mais plutôt un de ses fards servant à les rendre admissible.



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13/05/2010
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